Ma Tendre Enfance   Gap - 2008

TABLE DES MATIERES


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Chapitre 1 - ORPHELINS

(1° partie)

L'après-midi avait été éprouvant et, maintenant, nous nous retrouvions seuls, rentrant chez nous sur le chemin poussiéreux longeant la voie ferrée. La cérémonie était enfin terminée et nous avions laissé parents et amis bien avant le passage à niveau. A la campagne, dans ce genre de circonstance, presque tout le village se retrouvait, compatissant, autour de la famille endeuillée. L'oraison funèbre lancée avec émotion par le curé de la paroisse, au milieu des cierges allumés et des vapeurs d'encens, avait remué le coeur de l'assistance réunie dans la pénombre de la petite église. Les hommes, eux, attendaient dehors en fumant la pipe ... certains prenaient le temps de vider un verre dans le bistrot le plus proche en guettant, du coin de l'oeil, l'ouverture du vantail qui annoncerait la sortie du convoi funèbre ! Alors, les uns après les autres, ils s'intégraient au cortège d'un air recueilli en saluant leurs relations les plus proches ... En grimpant la côte qui menait au cimetière, entre deux versets de la prière des morts, les chuchotements reprenaient, mais c'était ainsi, et je pense qu'ils étaient vraiment désolés lorsqu'ils venaient nous présenter leurs condoléances !

Nous avions un bel automne et j'avais terriblement chaud dans la veste de laine grise, trop grande pour moi, prêtée par une cousine plus âgée ; mais, pour rien au monde je ne me serais permis de l'ôter : je devais supporter cet inconvénient, il eût été indécent de s'arrêter à ce détail dans un moment aussi grave.

Le train de voyageurs s'annonça avec un sifflement aigu et prolongé ; je l'apercevais au loin, grossissant de seconde en seconde, lâchant la vapeur derrière l'énorme locomotive noire et poussive ; les wagons défilèrent devant nous dans un bruit assourdissant. Avec un serrement de coeur j'eus le temps de reconnaître, grâce aux vitres baissées, les visages heureux et insouciants de mes camarades d'école : la municipalité nous avait offert un jour de vacances et ils partaient, sans nous, pour découvrir la mer ... Malgré tout, je les enviai et soupirai tristement !

Nous arrivions et d'un geste machinal je poussai la barrière qui s'ouvrit en grinçant, comme d'habitude ! Maman entra la première, courbée, méconnaissable sous son voile noir, serrant entre ses mains gantées un petit sac au crochet démodé et inutile... Elle ne pleurait plus ... juste un hoquet incontrôlable la faisait tressauter par moments, mais elle était anéantie ... Je repris son bras et nous avançâmes doucement vers la maison.

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Chapitre 1 - ORPHELINS

(2° partie)

Elle nous attendait, allongée sous son toit gris. Comme la plupart des habitations de la région c'était un simple rez-de-chaussée construit en pierres du pays. Elle ne se distinguait de ses semblables que par ses fenêtres bordées de géraniums-lierres roses ... D'ailleurs, tout était rose : les pétales des géraniums, les énormes bouquets disparaissant dans la verdure de l'hortensia qui débordait sur la porte d'entrée et les joues des deux petits, serrés l'un contre l'autre, assis contre le puits faisant face à l'hortensia.

François 2 ans et Pierre 3 ans serraient, sur leurs genoux accolés, Rita notre petite chienne docile et somnolente ; ils nous regardaient arriver d'un air interrogateur et malheureux.

Derrière nous, j'entendis le cliquetis de la barrière que l'on venait de refermer ; Paul et Rémi, les jumeaux, nous rattrapaient sans bruit, muets d'émotion et de chagrin. La journée avait été rude pour eux aussi : c'était l'anniversaire de leurs 6 ans, un anniversaire qu'ils n'oublieraient jamais !

Le visage de Francette apparut derrière la vitre. C'était un visage de poupée couvert de taches de rousseur ; une raie médiane séparait ses cheveux blonds retombant en grosses boucles sur ses joues rebondies; et des yeux si verts ... comme ceux de ma mère ! Mon père l'appelait "ma puce" ... elle était adorable. A 8 ans, c'était déjà une vraie petite femme à laquelle on pouvait faire confiance ; elle s'occupait à merveille des garçons et avait une patience étonnante avec eux ; elle savait les occuper, les amuser, les consoler ...

-" Rentrons", me dit ma mère d'une voix rauque.

Seule, elle se dirigea vers la cuisine dont ma soeur venait d'ouvrir la porte ; je la vis s'asseoir sur le banc longeant la longue table recouverte de toile cirée puis s'accouder à celle-ci, le visage appuyé sur ses doigts tremblants.

Les petits n'avaient pas bougé ; je me dirigeais vers eux et les attrapai chacun par une main ; Rita, déséquilibrée, retomba sur ses pattes en gémissant.

-" Venez, les enfants, allons retrouver maman ..."

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Chapitre 2 - L'ECLAICIE

Les jumeaux avaient rejoint Francette et tous trois nous attendaient sur le seuil ... Ils me regardaient, se sentaient perdus, ne sachant que faire !

La chaleur avait été pesante en ce mardi d'octobre et nous étions épuisés. Je n'avais que 10 ans mais j'étais l'aînée et, déjà, je savais prendre une décision :

-"
 Asseyez-vous tous, vous allez goûter ; "

Docilement, ils m'obéirent.

Pendant que je tartinais de larges tranches de pain de campagne avec une confiture odorante Francette, en montant sur une chaise, avait saisi dans le placard de bois blanc les verres dépareillés dont nous nous servions habituellement. Un grand pot d'eau fraîche nous attendait et nous bûmes avidement.

Ma mère avait ôté son voile de deuil et nous regardait d'un oeil absent :

-"
 Nous sommes là, fis-je d'une voix plaintive, nous avons besoin de toi ... "

Elle parut sortir d'un rêve et son regard humide nous détailla l'un après l'autre ; puis, elle essaya un sourire hésitant qui fut pour moi
 comme une éclaircie après la tempête, un peu de baume sur mon coeur endolori :

-"
 Je sais ... "

-"
 Veux-tu t'allonger un peu ? Je m'occupe de tout ... "

-"
 Quelle heure est-il ? "

Juste à ce moment la grosse horloge en chêne verni sonna insolemment 6 coups joyeux qui résonnèrent dans la cuisine silencieuse.

-"
 Il faut faire la soupe Odile, me dit-elle simplement, va prendre des légumes au jardin ... "

Son visage avait perdu sa passivité. Je la retrouvais ... Elle se leva doucement, nous embrassa et d'un pas incertain se dirigea vers la porte de la salle-à-manger. Lentement, elle tourna la poignée et descendit la marche libérée par l'ouverture du battant.

Je la rejoignis rapidement et la devançai dans la pièce. En un éclair, je remarquai que la voisine avait tenu parole : le cosy avait repris sa place et s'apprêtait, comme tous les soirs, à recevoir les corps fatigués sur sa housse écossaise bien tirée ... Plus aucune trace du drap blanc : elle avait dû l'emporter ... Disparus également le brin de laurier et sa coupelle d'eau bénite ... Elle avait ouvert les volets et, de nouveau, la clarté et le soleil couchant envahissaient les lieux. Un rayon s'était posé sur le buffet Henri II : un héritage dont nous étions très fiers ; c'était notre seul meuble luxueux et nous l'encaustiquions régulièrement ; malgré ses pieds vermoulus, je le trouvais imposant et splendide .

Je repris le bras de ma mère et l'entraînai doucement vers la fenêtre :

-"
 Regarde, le rosier est superbe ; demain j'ôterai les fleurs fanées, il y a encore tellement de boutons prêts à éclore ... "

L'arbuste s'étirait le long du puits et ses branches flexibles s'alanguissaient sur son toit en pierres plates, le recouvrant presque totalement d'une imposante moisson odorante dont les effluves parvenaient jusqu'à nous.

Je parlais du présent pour lui faire un peu oublier le passé ... Elle ne fut pas dupe mais eut le courage de refouler une nouvelle fois ses larmes ...

-
" Occupe-toi des légumes ... j'arrive ! "

Elle se redressa, posa sur le coin du buffet son sac, son voile tout neuf, ses gants rendus transparents par l'usure et me suivit à la cuisine. En un tour de main, elle enfila sur sa robe noire son tablier à fleurs bien enveloppant et sans lequel elle ne savait rien faire, glissa ses pieds fatigués dans ses pantoufles grises ... Enfin, elle réagissait ! Elle reprenait les rênes de notre vie disloquée pour continuer la route malgré les embûches !

Mon père venait de nous quitter en la laissant seule avec 6 enfants et elle n'avait que 32 ans !

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Chapitre 3 - FACE A LA VIE

(1° partie)

Je n'avais aucune idée, encore, des énormes difficultés qui allaient survenir, jour après jour ... Nous étions en 1946 et faisions partie de la masse des familles pauvres ! Mais, j'admirais ma mère, je pensais qu'avec elle rien de mal ne pourrait nous arriver ... Elle était la force et la tendresse, le savoir, l'efficacité, la solution à tous nos problèmes d'enfants :

Elle était le port tranquille où nous aimions nous retrouver ...

Elle était le fort solide où nous nous sentions protégés !

J'avais encore en mémoire les épreuves subies durant la guerre qui venait de s'achever ... Mon père était déjà malade et c'était elle qui nous entraînait en courant vers les tranchées creusées par les fermiers près de l'étier, lorsque les avions assassins surgissaient à l'horizon.

Je n'avais pas oublié certaines soirées, encore si proches, pendant lesquelles nous nous calfeutrions dans la salle-à-manger, rassemblés autour d'une cheminée sans feu, près du lit où notre père était étendu. Nous posions près de lui la lampe à pétrole et nous écoutions sa voix grave, parfois haletante et cassée, nous lire les oeuvres de la Comtesse de Ségur, tandis que ma mère raccommodait d'innombrables paires de chaussettes dont elle ne voyait jamais la fin ...

Et, comment oublier tous ces "
quatre heures" où, sur notre tartine réglementaire de pain noir elle étendait parcimonieusement un peu de saindoux qu'elle salait ensuite avant de nous la donner avec précaution ... Je ne m'étais jamais demandé comment elle obtenait ce "supplément", conservé jalousement dans le "garde-manger" inaccessible pour nous mais, nous étions tellement privés, que nous trouvions ces goûters délicieux !

Je me souviens des blouses d'écolier taillés par elle dans des sacs de toile bise et rêche, mais sur l'empiècement desquelles les papillons folâtraient gaîment, brodés par ses doigts agiles ... Lorsqu'après de nombreux lessivages la toile blanchissait, les ailes des papillons avaient perdu leurs couleurs chatoyantes ! Pourtant, ces blouses étaient inusables et passaient de l'un à l'autre à chaque rentrée scolaire. Personne ne se souciait de la mode et les garçons étaient très fiers de leurs sarraus plissés.


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Chapitre 3 - FACE A LA VIE

(2° partie)

Comme je les revois ces énormes lessives prévues tout au plus une fois par mois, et lorsque le temps le permettait ... C'était alors le jour de la "laveuse" ; la nôtre se prénommait "Noëlie" : elle travaillait pour quelques sous et ses repas de la journée !

Avec le recul, j'imagine aujourd'hui la pénibilité de son travail ... Dans chaque maison de la commune elle s'arrêtait "à la demande" ... je la revois, vêtue d'un grand tablier noir, chaussée de sabots, le dos courbé sous la charge, les doigts rouges et gercés à longueur d'année ! Quel âge avait-elle ? Quelle était sa vie ?...

La veille du jour fixé, nous avions préparé dans un coin du jardin suffisamment de petit bois pour entretenir le feu sous le large trépied qui allait supporter l'énorme lessiveuse de fer battu ! Le matin même, très tôt, maman faisait bouillir l'eau dans celle-ci et la remplissait du linge en attente, en y ajoutant cendres et copeaux de savon noir !

Noëlie arrivait alors avec sa brouette et, après un petit déjeuner rapide, surveillait l'ébullition en pressant le linge avec une longue batte de bois ... L'odeur de savon s'échappait dans des nuages de vapeur brûlante ... Mais, le plus dur était à faire : certes, le linge avait bouilli mais il restait à frotter les taches incrustées et surtout, il restait le rinçage qui était un vrai parcours du combattant ...

C'est à ce moment que la brouette intervenait : en s'aidant de la batte, Noëlie y entassait les draps de métis, les serviettes de toilette en lourde éponge ainsi que tous nos vêtements habitués à ce traitement ! Maman lavait " à la main" les tissus les plus fragiles , les gilets bigarrés et les chaussettes à côtes qu'elle tricotait ... lorsqu'elle avait le temps !

Ce linge empli d'eau était extrêmement pesant, le lavoir éloigné et le trajet comportait des pauses nécessaires ... Lorsque la lessive "tombait" un jeudi, il nous arrivait de l'accompagner et de la regarder travailler ! Elle s'agenouillait sur un socle de bois fermé sur 3 côtés et contenant de la paille comme ceux de ses compagnes déjà "à l'oeuvre" ... Elle étendait dans l'eau (glacée selon la saison) une pièce de linge retirée de la brouette ; puis elle la tournait, la retournait, la giflait de son battoir, tout cela avec une vivacité étonnante ! Les "laveuses" se mettaient à deux pour essorer les draps si difficiles à manipuler... Ces opérations prenaient plusieurs heures et se terminaient aux environs de midi !

Il fallait ensuite faire le trajet en sens inverse pour procéder à l'étendage ce que nous faisions après le repas comportant en général choux et pommes de terre cuits avec un morceau de lard que nous nous partagions, le regard brillant ... Parfois, nous terminions par de petites galettes faites à base de la crème du lait bouilli et récupérée chaque matin au moment du petit déjeuner ; ces galettes étaient excellentes et très nourrissantes par la même occasion ! A cette époque, rien n'était perdu ...

Sans plus attendre, nous nous partagions le travail de l'après-midi : la vaisselle pour les filles, l'étendage du linge par les grandes personnes aidées par les petites mains des garçons : c'était à eux de "passer" les pinces à linge et les pièces les plus petites ... puis, après une "chicorée" brûlante et un "en-cas", notre laveuse repartait, poussant sa brouette devenue plus légère, en espérant son gagne-pain du lendemain !

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Chapitre 4 - UNE FAMILLE

(1° partie)

Dans ma tête les souvenirs se bousculent ... François était né en 1944 et Pierre en 1943 ! A chaque accouchement nous étions disséminés chez les plus proches voisins et y restions quelques jours ... Étant donné notre âge et l'époque à laquelle nous vivions (ma mère était pudique et encombrée d'immuables principes), nous ne posions aucune question et acceptions le nouveau venu sans étonnement ... la famille s'agrandissait, c'était tout !


Pourtant ils me semblaient très longs ces jours passés hors de la maison et, souvent, ma timidité était mise à rude épreuve : le fait de dépendre d'étrangers me coûtait énormément et la plupart du temps je n'osais réclamer le nécessaire ... Je me sentais un numéro au milieu des autres enfants (nombreux dans chaque maison) et la tendresse de mes parents me manquait énormément !


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Chapitre 4 - UNE FAMILLE

(2° partie)

Il me revient en mémoire une anecdote survenue durant un de ces séjours forcés. Je partais en classe avec les filles de mon âge et leur empruntais des vêtements de rechange, plus ou moins à ma taille, remplaçant ceux qui me manquaient ... Cette situation me mettait mal à l'aise et mon travail s'en ressentait !

De nature studieuse, j'éprouvais un malaise persistant le jour où, n'ayant pu apprendre à fond une leçon, je risquais d'être interrogée ... C'était mon cas ce matin-là !

La veille j'avais dû quitter précipitamment la maison sans avoir eu le réflexe d'emporter mon livre de géographie. Bien sûr, ce que je redoutais le plus se produisit :

-" Odile, récite-moi ta leçon sur le climat tempéré ..."

Mon regard désespéré n'avait pas fait sourciller la maîtresse ... Attentive, elle me regardait avec gentillesse en attendant que je me lève !

Je le fis en tremblant ... je sentais le sang se retirer de mon visage et avais peur de me trouver mal !

-" Alors Odile, que se passe-t-il ?"

J'entendis sa question au milieu d'un silence ouaté, les épaules courbées sous le poids de tant d'yeux tournés vers moi !

J'avais beaucoup grandi ces derniers temps et faisais un peu d'anémie : notre alimentation n'étant pas assez reconstituante, je traversais des périodes de fatigue dont je sortais à grand peine pour y retomber de plus belle quelques semaines après.

Souvent, en rentrant de l'école, je m'imaginais survolant la route, légère comme une fée ... mais, c'était avec les oreilles bourdonnantes et les jambes coupées que je terminais le trajet !

Aussi ce jour-là, bien malgré moi, me sentant le point de mire de toute la classe et n'ayant pas le courage de donner une raison plausible à mon ignorance, une fois de plus je voguais sur les nuages de ma faiblesse et me sentais près de l'évanouissement ... J'avais oublié l'endroit où je me trouvais et fermé les yeux puisque, de toutes façons, aucune clarté ne prenait forme dans la nuit bienheureuse où je m'enlisais ...

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Chapitre 4 - UNE FAMILLE

(3° partie)

Cet état léthargique ne me surprenait plus puisqu'il devenait courant aussi sursautais-je lorsque mon oreille réagit au murmure de nombreuses voix, en même temps que je sentis au coin de mes lèvres entrouvertes couler un liquide chaud et sucré ... Mes paupières alourdies s'ouvrirent péniblement pour laisser passer un regard interrogatif et accablé de fatigue ... je distinguais à peine les traits de l'institutrice dont le visage, penché vers le mien, semblait exprimer une vive inquiétude :

-" Odile, pourquoi ne m'as-tu rien dit ?..."

Enfin, je réalisais ma position incongrue pendant un cours de géographie : allongée sur le plancher noueux de la classe, entourée de jambes fluettes perdues dans des chaussettes souvent sans élastique, se prolongeant au creux de chaussures informes, plus ou moins éculées, je n'osais lever les yeux ayant peur de rencontrer des regards moqueurs ...

-" M'entends-tu, mon petit ? "

Je baissai les yeux vers la main aux doigts fuselés, aux ongles coupés très courts, tenant toujours le bol de tilleul chaud.

-" Allons, assieds-toi et bois, cela te fera du bien !..."

La mémoire me revenait et j'obéis pour échapper quelques instants à cette scène horriblement gênante et de laquelle j'aurais voulu me trouver à cent lieues !

-" Allez, debout !"

Marie, mon amie de toujours, se tourna vers moi :

-" J'ai tout raconté, tu n'auras pas de punition !..."

Ils souriaient tous ces petits compagnons des moments difficiles, d'une enfance inquiète et troublée dans laquelle nous grandissions en nous serrant les uns contre les autres.

Ils m'entouraient, me posaient mille questions :

-" Comment s'appelle-t-il ?

-" A quelle heure est-il né ?

-" Quand pourrons-nous le voir ?

-" A qui ressemble-t-il ? ... etc. ... etc. ..."

La leçon de géographie était oubliée, j'étais la vedette de la classe grâce à ce petit frère envoyé par le ciel ... C'était merveilleux ! ...

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Chapitre 5 - LABORIEUX LOISIRS

(1° partie)

Quand on est petit le temps s'écoule lentement et, lorsqu'il grandit pendant une période où les restrictions sont monnaie courante, où la peur est inévitable et toujours présente, un enfant devient adulte sans heurts, sans crise de conscience, même s'il n'a pas 10 ans, simplement parce qu'il faut survivre !

C'était notre cas et, après le décès de notre père, nous ne savions ma soeur et moi de quelle façon aider notre mère. Notre contribution aux charges du ménage nous paraissait évidente, aussi portions- nous tous nos efforts sur les tâches qu'elle nous confiait, afin de lui donner satisfaction et de la voir sourire ...

Bien sûr, nous nous occupions des garçons ; nous savions les laver, les habiller ... nous allions "tirer" l'eau au puits et la faisions chauffer sur le trépied posé dans la cheminée, après l'avoir versée dans une cuvette de tôle galvanisée ... nous faisions la vaisselle sans rien casser, ou rarement ! Nous savions manier le balai d'ajoncs sur le sol de terre battue, après avoir arrosé légèrement pour éviter une poussière trop abondante ! Nous aidions à plier les draps en les tirant le plus possible afin de pouvoir les ranger sans repassage. Nous faisions les courses en demandant au commerçant de "marquer" la somme due et maman allait régler la note tous les dimanches en sortant de la messe de six heures !

Le jeudi, puisqu'il n'y avait pas classe, une foule de travaux occupait nos heures de "liberté" ... travaux variant selon la saison !

En octobre, si le temps n'était pas très sûr, nous en profitions pour nous rendre dans les vergers des alentours. Nous avions obtenu des propriétaires, gros producteurs de cidre, la permission de ramasser les pommes tombées ; il s'agissait là, de fruits tachés ou véreux, mais après un tri rigoureux, ma mère savait les transformer en onctueuses compotes dont nous nous régalions !

Lorsque la pluie s'annonçait, il nous fallait dix minutes pour rentrer en courant le long des sentiers protégés par d'énormes chênes qui faisaient une voûte de leurs branchages feuillus. Nos forces étant limitées, nous faisions le va-et-vient plusieurs fois dans la même journée afin d'obtenir une récolte suffisante.


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Chapitre 5 - LABORIEUX LOISIRS

(2° partie)

A l'automne, nous étions très occupés car, outre le ramassage des pommes, les jours de grand beau temps nous faisions la provision de châtaignes pour l'hiver. C'était alors une véritable expédition !...

Nous possédions un champ inculte, qui venait des grands parents, en bordure duquel s'élevait une rangée de châtaigniers. C'eût été merveilleux si le champ avait été situé dans un périmètre pas trop éloigné de chez nous ! Mais hélas, il y avait 6 kilomètres à faire pour s'y rendre ...

Ces jours-là notre mère nous accompagnait. Nous partions le plus tôt possible, les deux petits encore endormis installés dans une poussette que nous tirions à tour de rôle, les autres portant le pique-nique car nous ne rentrions que le soir ! Heureusement la source qui nous attendait au bout du voyage nous évitait de nous charger de bouteilles d'eau , car nous étions sans cesse assoiffés !

Nous ramassions les châtaignes rondes et brillantes et en remplissions des sacs de toile de jute fabriqués par ma mère et destinés à cet usage ! Bien sûr, nous attendions impatiemment l'heure de nous restaurer et, c'était affamés et morts de fatigue que nous nous jetions sur les provisions préparées à la maison ...

Parfois, un troupeau de vaches ou de moutons paissait un peu plus loin et nous n'étions pas trop rassurés ... Nous avions beau savoir ces animaux inoffensifs, leur proximité nous paralysait un peu et beuglements ou bêlements intempestifs nous faisaient sursauter ...

Le plus difficile était le retour ; la journée avait été longue et pénible et nous devions refaire nos six kilomètres en sens inverse, portant à bout de bras nos sacs pesants remplis de fruits jusqu'aux bords ... Nous arrivions, éreintés, heureux de retrouver un lit douillet dans lequel nous nous glissions avec un plaisir extrême pour n'en plus bouger jusqu'au lendemain matin ! ...

C'était aussi en automne que nous longions les haies, recherchant les massifs de ronces, cueillant au milieu des piquants les mûres d'un noir luisant, gonflées de jus ; nous les déposions dans les bocaux de verre dont nous nous étions munis puis rentrions, les doigts tachés, les visages cuits par le soleil, mais très fiers de notre récolte ! Comme nous savions l'apprécier en hiver la gelée "bien prise" dont nous tartinions le pain du goûter, en oubliant les égratignures du ramassage !

Comme elles sentaient bon les châtaignes grillées qui, accompagnées de lait caillé, constituaient souvent le repas du soir pendant le mauvaise saison ! ...


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Chapitre 5 - LABORIEUX LOISIRS

(3° partie)

J'appréciais les mois glacés durant lesquels la nature se reposait ; c'était l'époque où nous récoltions le fruit de nos efforts !...

Nous revenions de l'école en traînant derrière nous des branches cassées par le vent ; nos galoches glissaient sur l'herbe givrée et nous nous servions de nos semelles cloutées pour casser les flaques gelées disséminées le long des chemins ... Nous arrivions le visage gelé, les doigts gourds de n'avoir pu profiter de l'abri de nos poches ... Nous allumions la cheminée et, une fois réconfortés par un lait bouillant, nous faisions nos devoirs, installés autour de la table, envahis par une douce torpeur !...

Puis, revenait le printemps. Nous troquions nos pèlerines usagées, et désormais encombrantes, contre nos gilets chamarrés ...

Le soleil prenait de la vigueur, l'herbe verdissait et nous allions réveiller le jardin ; nous le bêchions, nous refaisions les allées ... Chaque carré de terre était ensemencé, arrosé, sarclé ; la vie reprenait, les arbres fruitiers retrouvaient leur parure verdoyante servant d'écrin aux bourgeons explosant de vie !...

C'était une féerie de couleurs qui m'enchantait, me laissant du rêve plein les yeux !

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Chapitre 6 - LES BLES D'OR

(1° partie)

Lorsque venait le mois d'août, nous étions embauchés pour aller glaner les épis dispersés dans les champs après le passage de l'énorme moissonneuse ; celle-ci appartenait à un châtelain des environs ; il la louait de ferme en ferme, contre un certain pourcentage de blé, lequel s'ajoutait à sa propre récolte ; l'opération le satisfaisant, les fermiers ne rechignaient pas trop pour payer leur quote-part ! L'arrangement contentait donc les deux parties et, chaque été, la moissonneuse revenait travailler au hameau coupant et liant les gerbes dorées.

Derrière la machine, les moissonneurs engagés pour la journée, de larges chapeaux de paille enfoncés jusqu'aux oreilles, le dos courbé sous un soleil de plomb, maniaient avec dextérité leur faucille au tranchant aiguisé dans les recoins inaccessibles à l'engin !

Nous suivions, un peu en retrait, marchant avec précaution parmi les racines piquantes ; il suffisait de réunir les épis éparpillés ça et là et d'en faire de gros bouquets que le plus adroit attachait avec un brin de paille. Une partie de ces épis nous était réservée et nous permettait de nourrir, pendant quelques jours, les quelques poulets que nous possédions.

Le travail était pénible et ininterrompu durant toute la matinée ; enfin, lorsque le soleil touchait à son zénith, c'était avec une satisfaction évidente que nous nous laissions tomber le long des haies, sous l'ombre protectrice et bienfaisante des arbres feuillus. Nous nous désaltérions de bolées de cidre aigrelet coupé d'eau, puis nous délassions nos membres fatigués, nous redressions notre dos brûlant, tout en partageant la miche odorante de pain bis accompagné de charcuteries dont nous raffolions ! ...


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Chapitre 6 - LES BLES D'OR

(2° partie)

Mais, la halte était de courte durée, le grain devant être à l'abri avant la nuit !

Lorsque l'astre lumineux disparaissait à l'horizon, dans un décor ocré, les bouviers arrivaient, debout sur leur charrette à claire-voie, guidant du bout de leur fouet les boeufs au corps massif attelés deux par deux. Munis de fourches, les moissonneurs procédaient alors au remplissage des charrettes ; les gerbes s'envolaient l'une après l'autre, aussitôt rangées tête-bêche par le bouvier rapide et silencieux. Puis, c'était le retour à la ferme, les enfants juchés sur le précieux chargement, les hommes suivant les outils sur l'épaule, fourbus et satisfaits.

Bien entendu, la journée de labeur se terminait par un souper copieux réunissant tout le monde. L'immense table du festin, abondamment garnie de" cochonnailles" et de fromages maison, était dressée dans la cour, devant la ferme ; les carafes d'eau fraîche voisinaient avec les cruches remplies à ras bord de cidre pétillant que l'un ou l'autre, au fur et à mesure des besoins, allait "tirer" au fût spécialement mis en perce pour l'occasion !

Après des ablutions rapides à l'aide d'une eau chauffée au soleil dans des bassines de fer blanc, chacun s'asseyait au gré de sa fantaisie, les adultes se chargeant des enfants ! Sur de larges tartines de pain bis, fabriqué à la ferme, l'on étalait pâté ou rillettes, confiture ou beurre salé ! Un biscuit de Savoie, accompagné de gelée de groseilles ou de confiture de prune terminait immanquablement ce délicieux repas !

Alors, les langues se déliaient, nous levions nos verres à la santé de nos hôtes avant d'entonner les vieux refrains habituels qui terminaient la soirée !

Aujourd'hui encore, il m'arrive de chantonner ces airs, repris en chœur les jours de moisson, avec une réelle émotion ! Outre, "les mouchoirs de Cholet" , la chanson préférée de notre mère laquelle, ce jour-là, n'avait rien de triste, jamais je n'oublierai "la chanson des blés d'or", "l'Angélus de la mer", "fleur de blé noir", "la mouche" ; que sais-je encore ! ...Grands et petits, après un travail commun, nous étions une seule voix !

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Chapitre 7 - PECHEURS EN HERBE

(1° partie)

Je me souviens également des parties de pêche à la ligne que nous faisions afin d'améliorer l'ordinaire ! La rivière était poissonneuse et nous rentrions rarement bredouilles, malgré des moyens limités et un matériel des plus sommaires !

La veille de ces journées fructueuses nous faisions la chasse aux vers de terre nécessaires pour amorcer l'insouciant poisson ; ils étaient nombreux dans la terre noire du jardin, se confondant avec elle, s'enfilant dans de minuscules tunnels, et il nous fallait peu de temps pour remplir notre réserve de boîtes à allumettes !

Ensuite nous allions vérifier nos cannes (de simples gaules flexibles coupées dans les haies) et y fixions le fil transparent, le bouchon de liège et le précieux hameçon lequel, nous l'espérions, allait nous permettre d'effectuer de nombreuses captures ! ... Nous faisions cuire quelques pommes de terre puis les écrasions, les mélangeant aux reliefs de la table de façon à en faire une mixture qui servirait d'appât. Ce soir-là nous nous couchions tôt ayant constaté que le poisson était plus affamé, ou moins vif, le matin de bonne heure ...

Il fallait nous voir partir dès l'aube, vêtus de nos plus vieux vêtements, la canne sur l'épaule, marchant d'un pas décidé ... Maman nous préparait un "en-cas" la matinée étant longue et le lait avalé en vitesse avant le départ insuffisant pour calmer une fringale toujours présente !

Nous connaissions les raccourcis et il nous fallait moins d'une demi-heure pour atteindre notre coin de prédilection, notre domaine discret et tranquille. De loin, nous apercevions l'avancée de roseaux sur l'eau immobile, en bas de la berge pentue ; nous courions le long du halage de façon à arriver le premier pour choisir la meilleure place ... "Notre" barque était là, se balançant au gré du vent ; les bords étaient verdis par l'eau stagnante et l'on ne distinguait plus la couleur d'origine depuis fort longtemps...

A qui appartenait-elle ? Mystère ! Nous l'avions découverte un beau jour, au hasard de nos pérégrinations ; à l'avant, une corde solidement nouée la reliait à la rive et l'empêchait de divaguer. Nous avions aussitôt décidé de nous en servir sans en avertir quiconque bien entendu !Nous n'étions pas téméraires et ne l'avions pas détachée ; cependant, lorsque nous nous y installions, deux par deux, nous réussissions à progresser de deux ou trois mètres en ramant avec nos mains ! Etant moins près du rivage, le poisson "mordait" davantage !

Ma soeur et moi surveillions les garçons du coin de l'oeil ... Lorsque nous embarquions, j'aimais le balancement provoqué par le remous de l'eau sous la coque et n'hésitais pas à l'accentuer malgré les cris stridents des plus petits ... Le calme revenu, chacun s'absorbait dans le dépliage de la ligne roulée sur un carton et fixée à chaque canne le plus solidement possible ; c'était difficile de ne rien embrouiller ... Les garçons étaient chargés d'accrocher, sur le cruel hameçon, le ver glissant et se tortillant sans cesse ! Il faut dire que nous, les filles, n'étions vraiment pas douées pour ce travail, le trouvant d'ailleurs franchement écoeurant ! ...

Nous appâtions et c'était l'attente ...


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Chapitre 7 - PECHEURS EN HERBE

(2° partie)

Au printemps, j'adorais ce moment et en profitais pour rêvasser les yeux ouverts ... la nature s'éveillait ... mon regard suivait le cours tranquille de la rivière jusqu'à un point précis où s'amorçait un virage quelques dizaines de mètres plus loin ! Les rayons du soleil levant se reflétaient dans cette étendue d'eau brisés en mille feux follets dansants, merveilleux ballet impossible à décrire ! Sur la berge, l'herbe dense, ravigotée par le rosée matinale, paraissait un moëlleux tapis verdoyant servant de cachette à d'innombrables sauterelles ! Un air doux bruissait dans les roseaux apportant juste ce qu'il fallait de fraîcheur et ...

-"ça mord Odile ... ton bouchon !"

Revenant sur terre, d'un coup sec je tirais le fil de l'eau et lançais sur la rive la brême ou le gardon secoué de spasmes étouffants ... Rémi le récupérait, le mettait dans la filoche et posait délicatement celle-ci auprès de la barque, dans un trou d'eau où le poisson récupérait ses forces, sous l'oeil vigilant de mes frères !

Lorsque la barque changeait d'occupants nous en profitions pour nous restaurer ... Enfin rassasiés, les pieds dans l'eau, engourdis par une douce chaleur, un ineffable bien-être nous envahissait en nous emportant dans un sommeil réparateur troublé par le cri d'un oiseau ou le saut inconsidéré d'un grillon !

Lorsque nous estimions la friture suffisante nous réunissions le matériel de pêche et reprenions le chemin du retour, heureux d'apporter le repas du soir !

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Chapitre 8 - CAQUETAGES ET BABILLAGES

(1° partie)

Mais, revenons à ma mère !

Pendant tout ce temps où nous occupions nos loisirs avec les travaux offerts par une nature riche et bienveillante, elle n'avait cessé de courir chez l'un ou l'autre essayant de trouver un moyen d'entretenir sa famille. Elle sonna à toutes les portes, infatigablement, sans laisser la place au désespoir ... Celui-ci la guettait pourtant et, à maintes reprises, je la surpris s'essuyant les yeux du coin de son tablier :

-" Ce n'est rien, me disait-elle, une poussière ... "

Et elle repartait en souriant vaillamment !

Je compris la gravité de la situation le jour où l'épicière, d'un geste autoritaire, ne me prépara qu'une partie de la commande passée par ma mère ... le jour où le boulanger me servit du pain rassis à la place de la boule souple et dorée qu'il nous réservait habituellement ... le jour où le boucher m'assura ne pas avoir été livré ! ...

Toutes ces vexations attaquaient de plus en plus le moral de ma mère ! Pourtant, elle tirait partie de tout, faisant des prodiges avec les fruits et les légumes du jardin ! Elle commençait à rêver de remplir le vieux poulailler avec des volailles nous donnant les oeufs et la viande dont nous manquions de plus en plus ! ... Mais, où trouver l'argent ?

Et puis un jour apparût une lueur d'espoir ! Nous venions d'éplucher des pommes de terre sur un journal datant d'une semaine lorsqu'en le pliant pour y enfermer les déchets, son regard se posa sur un article souligné de noir ... C'était un avis par lequel on proposait aux lectrices un jeu radiophonique permettant à la gagnante d'être "Reine d'un jour", en emportant de nombreux cadeaux offerts par les commerçants finançant l'émission !

La condition pour y participer ? Il suffisait d'émettre un voeu, aussi original que possible, pour pouvoir figurer parmi les vingt quatre candidates sélectionnées et convoquées à Rennes pour y disputer la finale !

-" Qu'est-ce que je risque, me dit-elle ... j'ai bien envie d'essayer ! "

Un désir c'est important dans la vie et nous étions heureux de la voir sortir de ses soucis de plus en plus insolubles.

-" Quel est ton voeu, demanda Francette, il faut chercher quelque chose d'original ! ..."

-" Oh, vous savez, je n'en suis plus là ! Nous avons besoin de tant de choses ... Si nous avions une douzaine de pondeuses, se serait formidable ! "

Maman était une femme d'action aux décisions rapides ; une heure plus tard j'allais poster une enveloppe contenant tout l'espoir de sept personnes pour lesquelles commençait l'attente ! ...


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Chapitre 8 - CAQUETAGES ET BABILLAGES

(2° partie)

Nous eûmes la joie de ne pas patienter trop longtemps ! La semaine suivante, lors de sa tournée matinale, le facteur nous apportait une lettre recommandée que ma mère récupéra en tremblant:

-" Je n'ose pas l'ouvrir, murmurait-elle en s'asseyant ... Mon Dieu, si c'était une chance pour nous ..."

-" Donne, lui dit Paul, je vais voir ! "

Gonflé par son importance il retira de sa poche le canif offert par mon père pour ses 5 ans ; celui-ci commençait à rouiller mais il s'en souciait fort peu ... D'un geste sec il fendit l'enveloppe et en retira une feuille dactylographiée et pliée en quatre. Je la lui retirai et lus, à haute voix, le contenu de la lettre . C'était une convocation pour le mardi suivant : maman devait être à Rennes à neuf heures, faisant partie des vingt quatre finalistes du jeu, son voeu ayant été retenu !

Ma mère sanglotait doucement, François sur ses genoux, Pierre appuyé contre son bras.

-" C'est magnifique, maman, nous les aurons nos poussins !"

Paul et Rémi sautillaient autour de la table en battant des mains ; je souriai à Francette qui me tomba dans les bras avec un sourire mouillé, les yeux pétillant de plaisir !

-" Tu mettras ta plus belle robe et ta veste blanche ... et tes chaussures à talon ... tu dois être la plus belle ... il faut réussir, lui dis-je !"

-" Ne nous emballons pas, Odile ! J'irai bien sûr ... mais, pourrai-je raconter mon histoire, c'est autre chose ! "

En effet, pour être la gagnante il fallait, en direct sur l'antenne et devant un jury réuni pour la circonstance, que la candidate explique les raisons pour lesquelles elle avait émis son voeu ! C'était difficile ! ... Maman s'exprimait avec facilité il est vrai mais, l'émotion aidant, comment s'en sortirait-elle ?

-" Tu as huit jours pour préparer tes réponses, c'est bien suffisant, lui assurai-je !..."

-" Nous verrons bien dit-elle d'un ton enjoué ... je ne laisserai pas échapper cette occasion ! ..."

Pendant une semaine, nous vécûmes dans la fièvre des préparatifs ... Maman pensait un peu à elle : elle lavait, repassait, écrivait, déchirait, recommençait ...

Nous n'avions qu'un regret : celui de ne pas posséder la T.S.F. pour écouter l'émission le jour de la finale !

Réunir l'argent du voyage fût aussi un problème : il fallait rogner sur l'indispensable, se priver un peu plus ! ... François, le plus petit, lui mit au creux de la main le billet de cinq francs, cadeau de son parrain, qu'il conservait comme un trésor depuis plus d'un an ! ... Nous étions heureux de lui donner ce que nous pouvions, avec nos faibles moyens mais, il s'avéra justifié que les petits ruisseaux font les grandes rivières lorsque, au jour "J", nous pûmes la mettre dans le train, le porte-monnaie vide à nouveau, mais le coeur si plein d'espoir ! ...


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Chapitre 8 - CAQUETAGES ET BABILLAGES

(3° partie)

Elle devait rentrer le soir même et cette journée nous parut interminable ! Une heure avant son arrivée, nous avions refait le chemin en sens inverse et attendions impatiemment l'entrée en gare du carrosse de notre "reine d'un jour" ...

Oh, il arriva le "carrosse", à l'heure dite, sifflant, soufflant, grondant de ses énormes essieux disparaissant sous la vapeur ... Sur le quai, nous étions là tous les six, le coeur battant, dévisageant les voyageurs ! Le train était très long, les wagons se succédaient dans le lointain et, tout au bout, venant vers nous d'un pas assuré, les bras chargés de paquets, souriante et accélérant le pas : maman !

Nous nous précipitâmes vers elle et faillîmes la faire tomber, courbée sous nos caresses pour atteindre les visages des plus petits :

-" Alors, alors ? ... "

Nos six voix se fondaient en une seule, nous ne pensions même pas à la décharger, nous attendions le verdict ! ...

"- Ne regrettez rien, je n'ai pas gagné ! j'étais beaucoup trop émue pour m'en sortir brillamment !"

Nos visages consternés la firent éclater de rire ; c'était rare ces derniers temps de la voir si joyeuse ! Aussi nous attendions la suite, car il devait y avoir une suite pour que sa voix fût si gaie, ses yeux si pétillants de malice, son allure si dégagée ...

-" Je ne suis pas Reine, reprit-elle, mais ... je suis Dauphine !"

-" Qu'est-ce que c'est "dauphine" ? dit Pierre, d'un air interrogateur "

-" Aidez-moi à porter tous ces paquets et sortons de la gare, je vous l'expliquerai en cours de route !"

Elle nous apprit donc son classement en 3° place et ce qu'il nous apportait : nous aurions nos poulettes avec, en plus, une réserve de grain pour les nourrir pendant un mois ! Elles allaient nous être envoyées incessamment, à domicile, par l'intermédiaire d'un transporteur de la région et seraient 24 au lieu de la douzaine souhaitée. De plus, ma mère rapportait quelques cadeaux offerts sur place et vraiment très diversifiés : une combinaison en interlock voisinait avec un carton de savons de Marseille ... pour ma part, je récupérai 2 saucissons et une grosse boîte de pâté de campagne !... Il s'y ajoutait de nombreuses bricoles dont nous ne soupçonnions même pas l'existence ! ...

Nous étions ravis de cet intermède et prîmes le chemin du retour d'un pas vainqueur !

Le soir même, nous fêtâmes l'évènement autour du saucisson "pur porc" qui passa de vie à trépas dans un brouhaha inhabituel ponctué de cris de joie !


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Chapitre 8 - CAQUETAGES ET BABILLAGES

(4° partie)

Le poulailler reçut ses hôtes quelques jours plus tard, caquetant à qui mieux mieux !

Elles étaient à peine installées qu'une seconde bonne nouvelle nous parvenait : c'était une convocation de la Directrice de l'école communale fixant à ma mère un rendez-vous pour le lendemain ! Un post-scriptum annonçait, en caractères gras et souligné en rouge " poste à pourvoir dans la classe maternelle".

Inutile de décrire la joie générale ; sans plus de formalités nous en déduisions qu'enfin notre mère allait avoir un emploi ! Ce qu'elle s'empressa de nous confirmer, le matin suivant, à la suite de son entrevue avec la Directrice :

-" Nous sommes un cas social "intéressant" et, de ce fait, nous avons priorité, nous dit-elle avec un clin d'oeil malicieux ..."

Pour nous c'était enfin du soleil dans les yeux de ma mère, un peu plus d'argent dans notre escarcelle et un peu plus de liberté pour nous, les enfants !

La rentrée fût inoubliable ! Ce jour de septembre nous étions tous les sept à la porte de l'école, attendant le tintement de la cloche. Nous entourions fièrement la maîtresse des petits, jolie comme un coeur dans sa blouse rose, ses cheveux bruns relevés en chignon, calme et souriante pour sa première journée de classe.

Ce fût merveilleux de la savoir tout près de nous, de la retrouver pendant les récréations ! Bien sûr, elle agissait avec nous comme avec n'importe lequel de ses élèves, sans préférence ni passe-droit mais, il nous suffisait d'un sourire ou d'un regard furtif pour nous sentir protégés, aimés !

Le soir, lorsque nous rentrions à la maison, traversant le bourg en règlant notre pas sur le sien, rien n'aurait pu atténuer le bonheur qui nous imprégnait !...

Maman reprit des couleurs, ses efforts obtenaient des résultats, ses espoirs n'avaient pas été vains !

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Chapitre 9 - LA RUCHE

(1° partie)

Cette année scolaire se déroula à une vitesse vertigineuse ... nous ne nous quittions plus et en ressentions un ineffable bien-être ... Ce dernier était d'ailleurs accentué grâce à des conditions de vie s'améliorant au fil des jours : mieux chaussés, chaudement vêtus, nous résistions plus facilement à la froidure hivernale et à son lot habituel de gerçures, de rhumes interminables et d'épuisantes quintes de toux ne s'atténuant qu'aux changements de saison !

Les flambées crépitantes, jusqu'alors faites avec parcimonie, devinrent journalières et l'air, réchauffé, absorba une humidité incrustée au plus profond des lits, ramenant un confort dont nous avions perdu le souvenir !

La succulente motte de beurre salé, dorée à souhait, reparût à chaque repas et, avec gourmandise, nous en retrouvâmes le goût délicieux et l'odeur délicate ! L'anémie à laquelle j'étais sujette disparût comme par enchantement et les angles saillants de mon anatomie longiligne s'arrondirent doucement !

Cependant, durant la période de "vache maigre" que nous venions de traverser, nos dettes s'étaient accumulées et, infatigablement, par tous les moyens, en faisant appel à son imagination toujours en éveil, ma mère cherchait à arrondir le budget familial.

Un salaire était vital pour nous mais insuffisant pour solder un arriéré de plusieurs mois ! Aussi que de fois l'ai-je surprise, tenant ses comptes sur un cahier d'écolier, essayant de jongler avec les chiffres de façon à équilibrer une balance penchant dangereusement du côté des dépenses !...

Dans un premier temps, elle accepta de travailler la veille des fêtes carillonnées, puisque nous n'avions pas école, en proposant ses talents de "pâtissière" aux familles intéressées, aucun commerce de ce genre n'existant dans notre petite commune ... Ses talents culinaires étant connus, à maintes reprises elle se vit confier la fabrication des traditionnels desserts de "communion" dans le voisinage !

Lorsqu'elle ne se rendait pas au domicile de ses "clients", ceux-ci lui apportaient les produits frais nécessaires à la dite confection, produits qu'elle transformait en superbe "pièce montée" ou en imposant gâteau feuilleté recouvert de sucre glace ... Ces jours-là, avec le reste des ingrédients, nous avions droit à de savoureuses brioches : la pâte levait toute la nuit dans la chaleur de l'âtre et l'odorant petit déjeuner du dimanche matin demeurait inoubliable !...


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Chapitre 9 - LA RUCHE

(2° partie)

Pour nous habiller la tâche était rude et sans fin ... il y avait tant de chaussettes à repriser, tant de pantalons à rapiécer ... de vêtements à rallonger, à transformer ... de boutons à recoudre que le temps qu'elle pouvait y consacrer ne suffisait plus ! ...

Alors, elle décida de demander de l'aide à la couturière du village ... Deux à trois fois par mois la cuisine devint un atelier, vivant au rythme de la vieille "Singer" à pédalier ! L'immense corbeille des raccommodages se vida peu à peu grâce à leurs doigts agiles ; de nouveaux torchons virent le jour taillés dans les draps usagés , nous eûmes des "sarraus" neufs pour aller en classe et nos robes retrouvèrent une longueur décente ! ...

A la fin de l'hiver, lors de l'habituel passage du marchand forain, pour la première fois depuis bien longtemps, elle le fit déballer des "vichy" aux couleurs toniques et des cotonnades fleuries ... Alors, dans une joyeuse agitation, la journée de "couture" se remplit d'essayages, les "plaques" à repasser ne quittant plus le dessus de la cuisinière ! ... Francette et moi apprîmes les surfilages, les ourlets et même les boutonnières !

Quant aux garçons, assis à l'extérieur, abrités du soleil grâce à leurs chapeaux en papier journal, munis d'aiguilles à tricoter et de laine de récupération, ils se lancèrent dans l'apprentissage du point "mousse", sous la surveillance un peu distraite de leurs "grandes soeurs" ! ...

Aujourd'hui encore, je retrouve ce contentement qui était le nôtre lorsque nous étrennions nos nouvelles "tenues" : robes et chemisettes des "p'tits frères" taillées dans un même coupon nous rapprochaient encore ! ...

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Chapitre 10 - PREMIERES VACANCES

(1° partie)

Tout en se dépensant sans compter pour le bien-être de notre petite famille, un beau jour notre mère décida d'arrondir les fins de mois en occupant les "loisirs" que lui laissait son emploi d'institutrice ...

Bien entendu, elle avait des idées à revendre et avec sa ténacité coutumière elle arrivait presque toujours à obtenir ce qu'elle désirait !...

Elle devint donc correspondante du journal local ; outre les petites annonces à faire paraître régulièrement, elle savait conter par le menu , avec une verve extraordinaire, le moindre fait marquant la vie de la commune : ses rubriques étaient attendues avec curiosité et impatience étant donné son habileté à rechercher l'information dans les domaines les plus divers ... et sa plume courait, inspirée, alerte , dès le retour de l'école ! Très vite les feuillets rejoignaient l'enveloppe préparée à l'avance, car il nous fallait poster le courrier avant la levée du soir ... A tour de rôle les plus grands étaient chargés du précieux envoi et revenaient, portant sous le bras, le pain de 4 livres et sa pesée que nous allions engloutir aux repas suivants !

Elle répondit elle-même à l'une de ces petites annonces en proposant ses services dans un cabinet d'Assurances dont l'Agent cherchait un encaisseur à domicile : elle le fût, tout simplement ! C'est ainsi que le jeudi, lorsque nous rentrions de nos ballades, nous la trouvions toujours en grande discussion avec un client éventuel ! Etait-il suffisamment garanti ? Contre le feu, la grêle, etc ... Un nouveau contrat, c'était aussi pour nous un peu plus de stabilité, une vie plus facile !

Elle se fit un ami de cet assureur. C'était un brave homme aimable et généreux : ses cheveux blancs et coiffés "en brosse" amenuisaient un visage empreint de bonté ; derrière des verres à monture d'écaille ses petits yeux bleus, éternellement en mouvement, observaient les êtres avec une acuité constante mais ses lèvres fines ne laissaient tomber ni critiques sévères ni jugements trop hâtifs !

Nous avions fait la connaissance de son épouse lors d'une de ses tournées d'inspection : visiblement ils formaient un couple très uni ! Petite et fragile, elle disparaissait dans l'énorme traction avant, noire et brillante, qu'il conduisait d'une main assurée sans vitesse excessive ... Elle l'accompagnait dans tous ses déplacements et contribuait énormément à la réussite professionnelle de son mari grâce à une intuition et à un doigté sans faille !

Cependant, aucun enfant n'était venu ensoleiller leur union et, de ce fait, au fil des jours, leur sympathie pour nous s'était transformée en une réelle affection que nous leur rendions bien !


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Chapitre 10 - PREMIERES VACANCES

(2° partie)

L'été suivant, voulant nous prouver cette affection sans toucher à la corde sensible de notre fierté, souvent mise à rude épreuve, nous connûmes huit jours inoubliables !

C'était en juillet et nous revenions du bord de l'eau portant une pêche infructueuse : juste quelques poissons-chats, désagréables à préparer et dont la chair grasse et jaune rappelait celle de l'anguille dont, personnellement, je ne raffolais pas ! Notre mine devait être de circonstance car nos amis cherchèrent aussitôt par quel biais ils pourraient nous rendre le sourire :

"- Eh bien les enfants, ce n'est pas dramatique nous dit gaîment celle que nous appelions "tatie"; d'ailleurs, je crois avoir une idée !"

Un coup d'oeil à ma mère et nous fûmes envoyés sans délai nous rafraîchir et changer de vêtements.

Lorsque nous revînmes vers eux, les yeux de maman pétillaient de malice et tous trois donnaient l'impression d'avoir préparé une bonne farce !

Maman prit la parole :

"- Que diriez-vous, les enfants, de changer d'air ... et de pêche ? ..."

Nous restâmes interloqués, ne comprenant pas où elle voulait en venir, et tatie continua :

"- Voilà ... aimeriez-vous voir la mer ?

"- La mer ? ..."

Nous en étions éloignés d'une centaine de kilomètres seulement mais jamais nous n'avions eu l'occasion d'admirer cette immensité bleue ! Nous connaissions l'état de nos finances et savions pertinemment qu'elles ne pouvaient supporter le coût d'une fantaisie si peu raisonnable ... De ce fait, l'idée en avait été abandonnée depuis bien longtemps !

Aussi étions-nous stupéfaits d'entendre notre mère participer à une conversation si éloignée de nos habitudes et le regard de nos yeux incrédules se posa de nouveau sur elle portant tous les signes d'une totale incompréhension ...

Elle sourit d'un air heureux :

"- Ecoutez ... Ecoutez ! ..."


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Chapitre 10 - PREMIERES VACANCES

(3° partie)

Tatie continua:

"-Nous vous invitons dans notre maison du Pouliguen ; vous prendrez le car et resterez là-bas aussi longtemps que votre mère le désirera ..."

Bouche bée, n'en croyant pas nos oreilles, nous demeurâmes un moment comme pétrifiés !... Un nouveau regard vers notre mère souriante et consentante nous confirma cette imprévisible aubaine ! Déjà les petits sautaient de joie ... Rémi avait attrapé Tatie à bras le corps et lui donnait la primeur de son sourire ravi et comblé :

"- On pourra se baigner ?

"- Bien sûr ... Tu verras, le sable est si fin qu'il coule entre les doigts comme du sucre en poudre... Et, il est chaud, il est doux, tu en feras des châteaux ... dans le sous-sol vous trouverez tout ce qu'il faut pour vous amuser ... des seaux, des pelles, des épuisettes, des ..."

Paul, pratique et organisé , l'interrompit subitement :

"- Qu'est-ce qu'on pêche dans la mer ?...

"- A marée basse, tu trouveras des moules sur les rochers, des coques, des bigorneaux ... Dans les trous d'eau, tu feras la chasse aux crevettes ... Il faudra emporter vos bottes, c'est indispensable !..."

Comme c'était merveilleux de discuter vacances, voyage, mer et ciel bleu ! ...C'était la première fois et j'avais douze ans ! Nous ne connaissions l'existence de ce vocabulaire que par nos livres de lecture... Jusqu'à présent, nous ne partions sous d'autres cieux qu'à l'aide de cartes postales ou, encore, en observant les affiches colorées placardées dans la minuscule salle d'attente de la gare !

Inutile d'ajouter qu'en moi le souvenir de ces premières vacances s'est gravé de façon indélébile et merveilleuse ...

Quelque temps après cette halte inaccoutumée et salutaire au pays où règne le farniente, nous reprîmes le chemin de l'école la tête emplie d'images nouvelles et enrichissantes, le corps bruni par un soleil dont nous avions profité au maximum ! Le séjour avait été de courte durée mais chaque minute nous avait apporté un bonheur sans nuage ... Nous avions enfin retrouvé l'insouciance de notre âge !

Pendant une semaine, sans arrière pensée, nous avions usé abondamment de plaisirs inconnus et variés : nous nous étions roulés dans le sable tiède et nous étions laissés bercer par les vagues clapotantes ... nous avions savouré sans compter les coquillages luisants et iodés, les crevettes grises si délicates ... nous avions oublié l'heure, les obligations, la brume accrochée à notre quotidien !

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Chapitre 11 - LA FÊTE

(1° partie)

Au mois d'avril, en entrant dans ma treizième année, j'éprouvai un plaisir inconnu en recevant, pour Francette et moi, une invitation au mariage d'une cousine habitant la commune voisine. Pour la première fois, conviées à des réjouissances familiales, nous pouvions y participer sans problèmes, conduites par un oncle, possesseur d'une voiture à cheval dans laquelle deux places nous étaient réservées...

La cérémonie étant prévue fin mai nous avions devant nous le temps nécessaire à la confection de nos toilettes de "demoiselles d'honneur" : nous devions être dix, toutes habillées de bleu ! ...
Ce serait magnifique.

L'invitation nous étant parvenue au début des vacances de Pâques, il nous fallait profiter de ces jours de congé pour tailler, coudre, surfiler, faire et défaire, les robes couleur d'azur dont nous rêvions. Bien entendu, celles-ci furent terminées en un temps record, avec l'aide de notre mère et nous attendîmes impatiemment le moment de pouvoir les étrenner ...


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Chapitre 11 - LA FÊTE

(2° partie)

Pour ma soeur et moi ce mariage fût l'occasion de festivités tout-à-fait inhabituelles ... Lorsque le cheval, étrillé de frais, nous eût déposées au but de notre voyage, nous fûmes accueillies par un joyeux brouhaha ! L'on faisait connaissance, l'on se retrouvait, se congratulant, discourant bruyamment derrière un jeune accordéoniste à la mine épanouie, prêt à entraîner les invités vers la mairie sur des notes égrenées avec entrain !

Embrassées, admirées, pressées de toutes parts, nous nous retrouvâmes dans le cortège d'honneur, donnant le bras à de jeunes garçons timides et gauches, le corps bien pris dans leur costume un peu trop ajusté !...

Lorsque les nouveaux époux, les yeux dans les yeux, eurent échangé le "oui" traditionnel, lorsque nous eûmes festoyé pendant des heures installés autour d'une table immense, parée de blanc, fleurie de seringa et croulant sous les victuailles, l'accordéoniste nous entraîna, sur une musique endiablée, dans une danse que chacun interprétait à sa façon, scandée par des cris de joie ! Nous étions unis dans un bonheur sans nuages !

Je m'amusai follement et, entraînée par la jeunesse infatigable de mon cavalier, je passai de la valse effrénée à la gavotte qui nous permettait de "récupérer" notre souffle ... Nous en scandions les quatre temps, entrelaçant nos doigts et formant une liane mouvante qui se refermait brusquement autour d'un couple énamouré surpris et confus ...Des applaudissements annonçaient le baiser obligatoire et nos amoureux s'échappaient en riant pour aller roucouler un peu plus loin !...

Nous rentrâmes au petit jour, dans une nuit tiède et étoilée, bercées par le trot régulier du cheval toujours aussi fringant ! Pendant longtemps je gardai, enfouis dans mes souvenirs, l'ambiance chaleureuse de la fête, la saine gaieté des invités, l'abondance des mets et la découverte de moments délicieux inconnus jusqu'alors !

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Chapitre 12 - LE SECOND RÔLE

  - Voir aussi page "Troupe des Menhirs" -

Autant que nous, notre mère avait apprécié ces journées inoubliables au Pouliguen : elles lui avaient donné un regain de vitalité et une envie, jusque-là insoupçonnée, de consacrer quelques heures de son précieux temps à une activité de détente . Cela lui parût soudain nécessaire, quitte à écourter un sommeil indispensable, d'agir parfois avec un peu de fantaisie ... Sa jeunesse reprenait le dessus et nous découvrions avec ravissement une facette inattendue d'une mère que nous pensions si bien connaître !...

Ce jour-là, la petite salle des fêtes crépitait sous les applaudissements des spectateurs hurlant leur enthousiasme, tandis que sur la scène, devant les décors de carton peint, les acteurs émus saluaient en se donnant la main ...

Sous les banderoles de papiers multicolores, je les trouvais splendides avec leurs costumes d'une autre époque aux couleurs chatoyantes :

Qui aurait pu reconnaître, dans ce marquis aux mollets serrés dans des bas blancs, le notaire de notre petit bourg, si réservé habituellement ?... Qui aurait pu se douter que ce valet à la tignasse rousse, au ventre proéminent tendant sa large blouse plissée, était le boucher du quartier ?... Quant à l'épicier, il était méconnaissable : une redingote noire, un peu évasée, camouflait d'une façon étonnante son dos en arc de cercle et lui donnait une allure presque distinguée ! Près de lui, "l'orpheline", si jolie sous ses haillons habilement disposés, n'était autre que la fille de la boulangère !...

Mais, je ne pouvais m'empêcher de penser que le "clou" de la distribution était le second rôle tenu par l'institutrice : elle portait une robe à paniers d'un vert très tendre assorti au ton de ses yeux aujourd'hui brillant d'un éclat incomparable. Le corsage de la robe suivait la ligne d'un buste parfait et, du décolleté bordé de dentelles, jaillissait sur un cou gracile, un visage rosi par l'émotion ! Un énorme chignon de boucles presque blanches retombait en cascade sur ses épaules : aucune perruque n'avait été nécessaire pour compléter l'harmonie de cette toilette d'une autre époque. En effet, les cheveux de ma mère avaient prématurément blanchi et, en ce jour de fête, donnaient un éclat tout particulier à ses traits soigneusement maquillés ... Elle était vraiment très belle et je pleurai de joie en écoutant les ovations qui lui étaient destinées ...

Cinq ans s'étaient écoulés depuis ce triste jour de 1946 où nous nous étions retrouvés seuls avec elle ! Que de chemin parcouru depuis ... avec quelle énergie et quelle volonté elle avait mené sa barque malgré les embûches jalonnant sa route : cette leçon de courage, je ne l'oublierai jamais !

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Chapitre 13 - UN NOUVEAU DECOR

(1° partie)

Lorsque je me mariai, au printemps 1958, je quittai ma Bretagne natale aux horizons changeants pour les Alpes majestueuses et inaltérables. Je troquai la douceur d'un ciel tendrement gris à perte de vue, contre un plafond incroyablement bleu allant retomber derrière une chaîne circulaire de montagnes arides. Je me retrouvai dans une sorte d'immense cuvette splendide mais, pour moi, un peu étouffante ...

Il y eût tellement de kilomètres à franchir dans la 4 chevaux poussive, tellement de virages en épingle à cheveux, de montées étroites et caillouteuses, de descentes vertigineuses sur des routes rendues glissantes par le fonte des neiges, que je me sentis au bout du monde !...

Cette petite ville fortifiée par Vauban était divisée en deux : la ville nouvelle, bâtie dans une zone relativement plate ressemblant, avec ses immeubles neufs et ses commerces divers, à n'importe quelle autre cité ; elle s'étalait au pied d'une pente rectiligne de cent mètres de dénivellation, dont le plus haut point aboutissait au pont-levis, permettant l'accès dans la ville fortifiée !

Celle-ci comportait une voie principale creusée en son milieu d'un caniveau dans lequel coulait une eau limpide et glacée. Des ruelles tortueuses grimpaient, d'un jet entrecoupé de marches plates, vers les façades imposantes de casernes inoccupées, signe tangible d'un passé glorieux ; le tout encerclé de remparts, de douves, de forts : telle fût la première vision que j'eus de mon nouveau domaine !

Ce ruisseau insolite faisait de la grande rue , appelée aussi "grande gargouille" un passage étroit desservant des immeubles accolés les uns aux autres, paraissant aussi solides que les forts environnants ...

Il me fallait emprunter l'une des ruelles, puis grimper sur le sentier de chèvre qui la prolongeait, pour accéder au chemin de ronde. De là, un merveilleux panorama accrochait le regard : je me trouvais dans un cirque de montagnes inaccessibles, et pourtant toutes proches, chapeautées de blanc, sur les flancs desquelles , jusqu'à mi-hauteur, une végétation de résineux habillait la roche grise.

Briançon était blottie au centre d'un écrin imprenable et superbe, entre gouffres et pitons , là où les aigles sont rois, où les chamois et les marmottes viennent s'abreuver dans l'eau claire des torrents ...

Au pied de ces masses imposantes, une route serpentait, fine comme un ruban, pour s'évanouir dans le lointain !...


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Chapitre 13 - UN NOUVEAU DECOR

(2° partie)

Je logeais donc dans cette citadelle, très isolée certains jours d'hiver lorsqu'une chute de neige trop importante condamnait la route du col !

Ces matins-là, en ouvrant mes volets, j'avais l'impression que le ciel me tombait sur la tête en millions de flocons légers et tourbillonnants ... Un rideau opaque et impalpable remplaçait la clarté habituelle et retombait jusqu'à terre formant un tapis immaculé ... Les enseignes grinçaient, malmenées par un vent coléreux se faufilant par tous les interstices des fenêtres mal jointes. A l'horizon les montagnes avaient disparu : nous étions dans un désert blanc où même les bruits quotidiens de la rue étaient assourdis ! Ca et là, la lumière des réverbères signalait la route à travers un halo phosphorescent.

Les plus courageux, à l'aide de pelles, descendaient dégager les abords des immeubles lançant la neige dans l'eau de la "gargouille" , laquelle l'entraînait aussitôt vers une chute rapide qui rejoignait la "Durance" !

A l'époque il neigeait souvent durant une semaine et, le beau temps revenu, le paysage apparaissait dans toute sa splendeur hivernale ... Les enfants s'en donnaient à coeur joie transformant les jardins tapissés de blanc en champs de bataille et s'y roulant avec délices !

Le promeneur, lui, devait se méfier aussi bien des chemins verglacés, que des mortelles chandelles accrochées aux gouttières, risquant de se décrocher à tout moment, entraînant avec elles des tonnes de neige durcie. Ce déchargement des toits, dangereux et inévitable, condamnait portes cochères et entrées de magasins aux moments les plus chauds de la journée et chacun regagnait son domicile avec précaution, les yeux levés vers les toits, les pieds cherchant à éviter la glace dissimulée le long des trottoirs ...


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Chapitre 13 - UN NOUVEAU DECOR

(3° partie)

Depuis, j'ai appris à connaître et apprécier Briançon et ses alentours ... J'y ai vécu au rythme des saisons durant de nombreuses années et en garde un souvenir ému et impérissable !

J'ai humé l'air pur et frais matinal porteur de tonus ... Au mois de mai, j'ai guetté la fonte des dernières neiges accumulées à l'ombre de murs austères et glacés ... En me promenant, j'ai aimé et découvert le charme des venelles grimpantes et sombres débouchant sur de petites plate-formes ensoleillées, les fontaines tapies dans les encoignures, les toits rouillés par les intempéries, ramassés en cercles autour de la statue de la France, les deux tours de l'imposante collégiale, les portes majestueuses creusées dans les fortifications ...

Certes, l'hiver était dur mais, avec le retour des beaux jours, c'était aussi le retour à la vie : dans le coeur de la ville, dans cette "gargouille" qui m'est devenue chère, les étals prolongeaient les boutiques et les flâneurs y venaient nombreux !

Avec eux s'installaient les jongleurs sur les placettes, les chanteurs de rue tout près des fontaines, les musiciens devant le bâtiment du corps de garde : assis sur le coin d'un muret, l'on se prenait à fredonner les ritournelles et partager ces moments légers et insouciants ... Le regard glissait depuis les cadrans solaires jusqu'aux balcons sculptés fleuris de géraniums, et la fuite du temps semblait s'arrêter un moment ! ...


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Chapitre 13 - UN NOUVEAU DECOR

(4° partie)

Très souvent mes pas m'ont entraînée vers des lacs allongés au creux des rochers, vers les alpages et leurs chalets d'été recouverts de lauze !

Entre printemps et canicule la montagne ressemble à une immense palette colorée : narcisses, trolles et myosotis voisinent avec renoncules et pensées sauvages ... gentianes et ancolies rivalisent de beauté avec anémones et pavots de toutes sortes ... et, que dire de la carline, ce chardon argenté, ou de l'edelweiss nichant sa blancheur veloutée dans les rocailles élevées, au-dessus des rhododendrons et des genévriers ! ...

Sous les pins sylvestres, j'ai découvert de la bruyère des neiges à fleurs roses, des lys martagon , des tulipes noires ... Quel éventail à nul autre pareil !

J'ai toujours adoré le printemps, ce renouveau tout en nuances, déversant la giboulée salvatrice sur un sol assoiffé et craquelé, transformant la grisaille de fin d'hiver en explosion de teintes, de cascades, de vie retrouvée ...

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Chapitre 14 - LE PLI BLEU

 

Par une belle soirée d'été, en rentrant de l'une de ces promenades salutaires, je trouvai, coincé dans ma boîte aux lettres, un télégramme que j'ouvris précipitamment.

Ce que je redoutais le plus au monde m'était confirmé par le cruel pli postal : Je savais ma mère malade et attendais toujours impatiemment la réponse aux lettres que je lui expédiais régulièrement ! Et là, impersonnelle et froide, je tenais entre mes doigts crispés la réponse à mon dernier envoi ...

Vingt ans après mon père, ma mère était partie le rejoindre dans un monde dont on ne revient pas !... La douleur était insupportable ... Se trouver si loin d'elle, se dire que c'était fini, que la revoir était impossible ... Ne pas avoir connu ses derniers moments, ses derniers désirs, ses dernières paroles ... subir et être inutile ! Dans le livre de ma vie, une page était tournée définitivement et quelle page ! ...

Quelques temps après, je commençai ce récit ! Il me fallait mettre des mots sur la souffrance... Je pris donc un cahier d'écolier et commençai mes



REVERIES

Toi, la rose immaculée
Ce fût un ravissement de t'observer
Parsemée de gouttes de rosée
Tu étais belle à en pleurer
Merci pour ces instants de bonheur
Mais, tu meurs !

Toi, le chaton au creux de mes bras,
Tout chaud encore de ta vie qui s'en va,
Si doux et si soyeux sous mes doigts,
Pour moi tu étais un peu de joie,
Merci petit compagnon de bonheur,
Mais, tu meurs !



Toi, ma mère infiniment aimée,
Avec quelle tendresse tu m'as élevée,
C'est ton exemple qui m'a stimulée,
De te voir aujourd'hui les yeux fermés,
Il ne reste de nos années de bonheur,
Que des pleurs !


Quelle est la beauté qui ne s'abîme pas,
Quel est le bonheur qui ne se ternit pas,
Et, surtout, quel est l'Amour qui ne passe pas ?
Dis-le moi !

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Chapitre 15 - AIMER

(1° partie)

Ce recueil de mes souvenirs, je viens de le relire avec émotion ... c'était une partie de mon enfance raisonnable débordant d'espoir et d'amour ... Ce départ dans la vie, inoubliable, ces épisodes du temps passé, vécus à nouveau grâce à une prose malhabile couchée sur du papier jauni, me renvoient au centre d'une famille aimante !

On s'habitue à tout, c'est vrai !... Avec le temps, mon nid s'est agrandi, des enfants y sont nés ... Avec quelle joie je leur ai donné toute la place, tout l'amour nécessaire à leur bonheur, un bonheur qui était le mien par la même occasion...

J'ai aimé mon pays d'adoption prêt à offrir ses trésors à celui qui guette sa magie, au promeneur curieux découvrant faune et flore, au skieur amoureux de vastes étendues immaculées !

Aujourd'hui je me sens bien au centre de ces crêtes élevées et, si d'aventure je les quitte quelque temps, il me tarde d'y revenir ...

Mes enfants ont grandi et, comme les oiseaux, ont quitté l'un après l'autre le cocon familial ... Alors, on se retrouve seul, comme au départ mais mes "Rêveries" ont trouvé une suite apaisante : en mariant expérience et optimisme, écoute et tolérance, amour et compréhension, j'admets le départ de mes parents, l'envol de mes enfants, la maladie de mon compagnon de route ... J'ai compris que l'amour que l'on donne fait suite à celui que l'on reçoit : il ne peut pas mourir : il s'accumule tout au long de la vie, s'améliore, se décante, réchauffe et réunit pour devenir un feu redonnant force et vie aux moments de détresse ... puis se transmettre à nouveau, et ce, jusqu'à la fin des temps !...


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Chapitre 15 - AIMER

(2° partie)

          En tisonnant le feu la flamme prolifère
          Et dans la fumerolle éclot chaque repère,
          J'en trace le contour puis creuse le limon,
          L'extrait vers la lumière, avec émotion !
          Chacun d'eux, voyez-vous, raconte mon enfance
          Sur le sol si léger de mon insouciance,
          Émaille de genêts et d'embûches cachées
          Sous le ciel nébuleux de mes jeunes années ...
          Il n'est pas opportun, en cette conjoncture,
          D'en déduire aussitôt, terminant la lecture,
          Que ce passé si cher soit le seul important ...
          Joies et peines blotties s'animent dans le vent !
          Pourtant reconnaissons cette chance inouïe
          Qu'être aimé en naissant est cadeau de la vie ...
          Peu importe richesse, beauté, facilité,
          Si l'amour est absent, le départ est manqué !
          Le tenir par la main tout au long de la route,
          Se laisser rassurer lorsque survient le doute,
          Chaque nouveau bonheur savoir le partager,
          A chaque coup du sort, oser s'y appuyer ...
          Et, quand il est usé, à son heure dernière,
          Lorsqu'il n'a plus de force échouant sous la terre,
          Accepter son absence, dépasser sa douleur,
          Combattre sa raison pour écouter son coeur ...
          ... Sa voix est un murmure, il faut tendre l'oreille,
          Devenir attentif pour qu'elle vous émerveille,
          Reporter son regard au bout de l'horizon,
          Chercher à recréer l'espoir en floraison ! ...

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 EPILOGUE

       

      L'Amour n'est-t-il pas le fil conducteur tissant sa trame tout au long de la vie ?

      Il suffit de s'y accrocher et de se laisser conduire ... mais, ce n'est pas si simple !

      Le chemin est parfois difficile ... les croisements douloureux ... les ornières inattendues,
      profondes, souvent sans fond ! ...

      Le souffle devient court ... le désespoir prend toute la place et le fil devient impalpable ! 

      Pourtant, il est nécessaire de refaire surface ... de ranimer la flamme de cet amour qui vit en nous pour adoucir les moments les plus cruels ...

      Après la nuit revient l'aurore ... et l'aurore c'est l' ESPERANCE !

     

     GAP - 2008