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André Dandé

- Epopée Forestière

- Belle Prise

 Gouttelette de pluie... UNE !                       

   Un Dimanche ordinaire...

  Messe dominicale

          Dix heures moins dix ce 14ème dimanche du temps ordinaire, en bon paroissien – bon chrétien… les évènements qui suivent pourront laisser dubitatif sur ce point – en compagnie de mon épouse je pousse la porte (première à gauche en passant par la droite ou le contraire) de l’église pour l’office de onze heures. Du parking à la porte le temps maussade nous  gratifie d’une averse  contraignant mes besicles à un  repli stratégique sous l’abri vestimentaire. Le seuil franchi ces dernières que l’œil astigmate réclame réintègrent leur support nasal.
     Neuf heure cinquante-cinq : ma place non réservée mais disponible habituelle m’enjoint d’y installer mon pol quelqu’un – auguste personne est déjà pris – juste derrière un co-paroissien (pas prince du tout… on dort) de taille respectable aux cheveux blancs et à l’oreille en pavillon rouge qui me fait dos : logique, lui devant moi derrière nous regardons dans la même direction, il ne peut donc me faire face. Son pardessus couleur inspecteur de police anonyme clair clair– et là survient l’objet de notre discours – est constellé d’étoiles humides sur son épaule gauche et étoilé de constellations identiques sous son épaule droite, le centre étant étonnement vierge de toute offense pluvieuse conséquence évidente d’un col semi rabattu (ou a-demi relevé) au sommet de cette région. Vierge? Peu s’en faut, car dix centimètres plus bas, tout juste au niveau de mon astigmatie, trône – même si j’ai déjà précisé que le propriétaire du trench-coat n’était en rien co-prince d’Andorre – trône dis-je donc une énorme gouttelette en suspension tenant, vu le lieu c’est évident, par l’opération du Saint Esprit.
     Mais l’office commence : Au Nom du Père… qui êtes au ciel pluvieux… 
     Du célébrant mon œil descend irrémédiablement au niveau de la goutte d’eau, impossible de l’en détacher. Mais comment tient-elle ? Sur l’injonction de l’animateur pour le chant d’entrée, d’assis qu’il était le géant comme toute l’assemblée se retrouve debout dans un mouvement non négligeable de rapidité malgré l’âge certain que lui confesse son système pileux crânien d’une blancheur identique à la nappe de ma grand-mère après un lavage Omo. Mais il n’a pas tremblé… la goutte non plus, omniprésente et qui m’observe. Etoiles et constellations affirment aussi leur présence, mais en points sombres que le tissu s’évertue à faire disparaître par absorption dans une osmose d’assoiffé. La goutte est là, gonflée, qui se moque défiant toutes les lois naturelles de la gravitation, qui se gausse et qui rit, qui rit…
     Kyrie eleison… retour au fil de la cérémonie pour dix secondes : rapidement mon esprit s’évade à nouveau : il pleuvait tout à l’heure. Désagréable en cette saison, bon pour mes cultures, mais j’ai prévu des grillades ce midi, pourvu que… Tiens, il y a moins d’étoiles, mais il en reste encore assez pour distraire mon attention, surtout une plus importante – sans doute l’étoile du Berger – c’est l’ombre immobile d’une  flamme de bougie allumée qui s’éteint petit à petit. La goutte imperturbable ne perd rien de sa splendeur sans doute au sommet de sa gloire…
     A Dieu…in excelsis – Première lecture, livre de Zacharie… qui rit comme ma goutte ! Les mouvements ascendants et descendants inhérents au cérémonial en vigueur n’ont aucune influence néfaste sur l’H2O de service. Il est vrai que notre homme ne dévie guère de la verticale, son port altier et militaire ne semble souffrir aucun détour hors des sentiers battus où l’école buissonnière me voyait parfois pêchant les grenouilles au milieu des marais de mon enfance. Tiens les marais, que d’eau, que d’eau, des douves mais aussi des prairies avec des vaches, des moutons, des chevaux, et parfois nous donnions un croûton de pain aux ânes… ah !
     Ose Anna ! Pardon, Hosanna, Hosanna au plus haut des cieux… déjà ! Je ne vois pas le temps passer… J’ai du rêver pendant l’homélie. Je sers-mon poing dans ma poche : plus de pièce, machinalement l’ai-je mise dans la corbeille ? Sans doute ! Un regard circulaire sur le dos me faisant face : plus de constellations ni d’étoiles, même celle du berger manque à l’appel ! Et MA goutte est toujours d’astreinte. Tout de même, en regardant de plus près j’ai comme l’impression qu’elle commence à défaillir, je la vois plus falote, je crois même qu’elle s’épuise, diminue de volume, découvrant sur sa partie haute un point blanc : une poussière cosmique ? Une pellicule ? Etonnant pour un militaire ! Et en plein milieu du résidu tenace, comme un point noir : la tête de l’épingle qui la retient ? Ah, mais…
     Amen… fin de l’anamnèse. Tout en gardant un œil sur cette évolution inattendue mais enfin logique je déclame un Notre Père qui ne tarde pas à s’égarer vers des pluies torrentielles, des ruisseaux impétueux, des lacs et des rivières (du Connemara). J’arrive à la mer dans un panier d’osier en compagnie de Moïse,  l’accompagne dans sa traversée de la mer Rouge et me frappe la poitrine lorsque la manne tombe du ciel… Seigneur je ne suis pas digne… C’est le moment de la communion.
     Question (lancinante) : la marche vers la Table Sainte et son retour aura-t-elle raison, verra-t-elle la disparition ferme et définitive de cette obsédante gouttelette?
     Quand je relève la tête, diminuée peut-être – je parle de la goutte bien sûr - mais toujours présente !!! Serait-ce cette épingle qui la retient ? Cela dépasse l’entendement… et n’a pas de sens. J’ai une folle envie tout à coup de secouer le paletot de notre colonel, ce serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase de l’incompréhension, alors je me retiens. Il faut oublier… Il faut oublier, tout peut s'oublier, oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment... mais je m'égare!
    
     Chant d’envoi : "Allez dire à tous les hommes"… certainement pas, je garde ça pour moi, serre la main du général, lui souhaite bon dimanche. L'envie ne me manque pas de lui faire part de l'énigme aquatique ayant accompagné toute la cérémonie et dont il fut durant une petite heure le support ignorant… il n'y comprendrait goutte! Et je sors tout en cogitant sur l'étonnante faculté de l'esprit à se polariser sur l'insignifiance de petits rien et leur vacuité… ité...
…Ite missa est
     La messe est dite… L’âme essaie, dites… Là, mais c’est Edith !

 

Un drôle de paroissien !