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André Dandé

- Epopée Forestière

- Belle Prise

 EPOPEE FORESTIERE                            

                 ( Ou les tribulations de 2 ramasseurs de champignons )

          dé l'André et l'Yves       Dandé And

Pour tout comprendre et apprécier, vous DEVEZ vous attardez (avec le curseur) sur TOUS les liens : documents sonores, photos ou bulles pour explication de texte... 

n                                                                                                    

Il faisait frais ce matin-là, et malgré une pluie fine, nous décidâmes tout de même de chausser nos bottes; et c'est bardés de notre veste et de notre chapeau que nous prîmes la route après une rapide pause café... Il ne fallait pas prendre le risque de se faire doubler par d'autres énergumènes qui auraient peut-être eu l'outrecuidance de nous brûler la politesse, et ainsi rafler à notre nez et barbe réunis, le résultat espéré de nos recherches qui, à n'en pas douter, se devaient d'être fructueuses.

Tout depuis deux semaines, nous indiquait que notre déplacement ne pouvait être vain; autant la pluie dont nous avions salué l'irruption avec une évidente satisfaction, que la chaleur à nouveau au rendez-vous, autant l'accalmie du matin que le vent de force zéro : tout, absolument tout, parlait en notre faveur. Et rien ne manquait à l'appel : nos paniers, nos couteaux, deux verres et la bouteille de "fortifiant" pour  récompenser  nos efforts.

Nous étions confiants, et c'est sans le moindre doute sur le résultat de nos recherches que nous nous élançâmes sur la route en ce mardi 21 octobre 1997 à 8H13 du matin; alors qu'un mauvais crachin qui n'allait pas durer intimait l'ordre au conducteur du véhicule dans lequel nous nous étions installés confortablement et dont je m'étais institué chauffeur en chef, de mettre derechef les essuie-glaces... Mauvais présage, tout le monde sait que   " essuie-glace du matin... tintin "     pour le reste de la journée!

En effet, après trente et quelques kilomètres de bitume, ponctués de virages et de hameaux, après un arrêt en douceur au milieu d'une clairière (qui n'était pas encore trop claire - because le crachin précité qui pourtant avait tiré sa révérence mais qui tout de même occultait a posteriori cet "Aurore aux doigts de rose" cher à Homère et qui nous faisait faux bond -, après une marche de quelques décamètres équipés de nos armes (couteaux et bâtons), après le passage de deux fossés, peut-être même trois ou quatre ou cinq (ma mémoire... Chante en sourdine...Potemkine),  je m'souviens plus très bien , de toute façon après moult fossés, haies et autres obstacles dignes d'un parcours du combattant, nous dûmes nous rendre à l'évidence : ils n'étaient pas au rendez-vous!

Point d' Amanita rubescens, de Boletus leucophaeus, de Russula vesca, de Lactarius deliciosus, de Cantharellus cibarius, de Clitocybe nebularis, ou d'Armillaria mellea

, pas même la tête d'un vulgaire agaric, ni le bout du nez d'un Entoloma clypeatum !... Tous, tous ce jour-là, avaient décidé de ne pas se décider à sortir; les malotrus, ils s'étaient passés la consigne : aujourd'hui GREVE! Grève de la pousse, de la pousse-toi de là que je ne m'y mette pas; le terrain était vierge de toute arborescence myceliumique, ces plantes thallophytes, exemptes de pigment chlorophyllien qui se reproduisent par les spores avaient planté un drapeau et étaient partis dans je ne sais quel bistrot en nous faisant un pied de nez (en notre absence, autrement je te dis pas la réaction du Dédé et du Yvon : cou-couche  les pa-pattes en rond dans les paniers!).

N'étaient  quelques Amanita muscaria, tu sais celles rouges avec des points blancs compagnons obligés des nains de jardin, qui, je ne sais pourquoi, avaient tout de même pris l'initiative de sortir le petit doigt et même le majeur pour tester la température de l'air et la vitesse du vent, certaines ayant osé déployer leur parapluie suite au crachin dont nous venaient tous nos malheurs, n'étaient, dis-je, ces provocatrices et nous repartions avec l'idée et peut-être la certitude que personne ne goûtât jamais, qu'aucun palais ne rencontrât depuis la nuit des temps, la sublime saveur veloutée et extrême de cette flore aux carcophores inégalés.

Las! Paradoxalement, faute de combattants, nous perdions une bataille! Une bataille, mais pas la guerre. Il fallait réagir à cet état de crise; après concertation et conciliabule, nous décidâmes un repli stratégique vers notre Q. G ("godet quart" in english, bien que le quart semblât un peu ridicule à nos deux chevaliers - en puissance - du Tastevin, la pinte avait leur faveur). Et c'est en rang serré que nous l'atteignîmes sans autre encombre. Après un rapide briefing, nous constations avec satisfaction que nous n'avions subi aucune perte, cent pour cent des effectifs avait rapatrié le quartier général ("godet quart"). Une récompense pour réconforter ces valeureux guerriers nous sembla de bon aloi. D'un commun accord, et le verre à la main, nous obtempérâmes en portant un toast à la gloire de Zeus et de Jupiter réunis. Du coup, de pleine qu'elle était, notre dive bouteille s'en trouva cisaillée d'un bon tiers de son contenu.

Après un rapide tour d'horizon, il nous apparut qu'il devenait nécessaire et impératif de changer de quartier; ce que nous fîmes sans plus attendre non sans avoir chargé dans notre char d'assaut, baïonnettes, treillis, casques et autres munitions. Et après un contournement judicieux de cet ennemi impalpable, nous repartions en campagne pour une autre victoire.

L'Astre du jour commençait à s'imposer et à faire valoir ses droits sur notre univers encore empreint de la grisaille matinale. Nous arpentions de plus belle les nombreux arpents de chênes pédonculés* et autres hêtres qui nous semblaient de sûrs alliés; avec méthode et constance (certains attendaient Cyrille...) nous quadriâmes ces zones laissées à l'abandon et que onques elfes ni korrigans nocturnes ne pouvaient imaginer quant à une telle intrusion sur leur territoire. Après être passés par ici, nous repassions par là, aucune trace de lutins ni de sylphes, mais pas plus, non plusss... de tête enrubannée de Pholiota caperata ou de Tricholoma portentosum que de beurre de cacahuète sous la queue d'un chimpanzé hypocondriaque!

*La cécité presque sénile de nos deux sycophantes abusés par leur sens et déjà prêts à accuser  ciel et terre de cette absence insoupçonnée de sarcodon imbricatus et de sparassis crispa ne permet pas de définir avec certitude s'il s'agissait de chênes pédonculés ou sessiles... ma fille.

Nous désespérions, et n'étions pas loin d'un abandon par forfait, au bord de la crise de nerf  et de la dépression, cadet des soucis de l'anticyclone, quand, subitement, le Dédé, entre deux carrés de châtaigniers et entre deux fossés, c'est-à-dire tout simplement dans une allée, aperçu, dépassant les hautes herbes (style pampa) de son long pied strié et de son chapeau feutré un Boletus edulis ou Boletus aerus ou encore Boletus reticulatus (un cèpe...quoi!) qui lui faisait la nique.

Son sang (au Dédé) ne fit qu'un tour : exorbités, l'œil gauche ainsi que l'œil droit (heureusement que ses lorgnons firent barrage à cette sortie foudroyante, imprévue et incontrôlée) se regardèrent interloqués (difficile d'imaginer ainsi la tête du Dédé!). Il n'en croyait pas ses mirettes, cette vulgaire "Tête de Nègre" - vulgaris nigra - se payait sa tête à lui! D'abord interloqué, puis subjugué par cette trouvaille inattendue, il prit son élan et "volti subito"survola le fossé comme une gazelle effarouchée pour atterrir tout près de cette excroissance de mycélium à la fructification charnue dont il n'espérait plus voir la moitié du quart d'un millième en ce jour néfaste.

Et pourtant, il dut se rendre à l'évidence, il y avait bien là, à ses bottes, le début prometteur d'une récolte qui avait alimenté ses rêves et ses fantasmes depuis des lustres. Un mouvement de recul bien naturel suite à ce début prometteur mais inattendu, lui fit savez-vous quoi?... tout simplement renverser un deuxième larron au moment même ou il allait opérer un exercice d'assouplissement obligé pour couper la retraite ainsi que le séant de ce qu'il croyait être le seul et unique occupant du quartier! 

Eh oui! Ce farfelu n'était pas seul, à deux pas de cet autre individu, tout recroquevillé derrière une souche, presque en embuscade, un troisième montrait le bout de son casque, puis un quatrième, puis un cinquième : une bonne douzaine en fait (à croire qu'ils s'étaient pris pour des œufs) avaient élu domicile dans ce même retranchement; de là à penser qu'ils s'étaient donné rendez-vous soit pour élaborer un mouvement de retraite en ordre, soit pour se préparer à une ultime attaque, telles les centuries romaines formant un système de défense dit de la "tortue" devant l'ennemi, il n'y avait qu'un ...fossé à franchir...mais qui l'avait été , franchi, avant, suite à sa célérité, par le Dédé qui était ' là, di don'*

*Là di don - traduction : là dites donc

La trouvaille était belle, valait son pesant de truffes, et réclamait une suite. Mais dans l'immédiat, le Dédé, sans demander son reste et pour parer toute éventualité de fuite de ces mauvais soldats au camouflage tout à fait aléatoire, les poussa manu militari à prendre le chemin du panier qui n'était pas à salade, mais qui dans l'instant devenait une prison pour les imprudents; dans un deuxième temps il héla le Yves qui, lui, n'en finissait pas de passer par ici et de repasser par là (pensait-il au furet?) sans aucun succès dans ses pérégrinations et qui désespérait à jamais de rencontrer l'ennemi, prêt à en découdre pourtant, la lance dans une main et le poignard dans l'autre.

A la vue de la récolte et du nombre de prisonniers, son courage revint et euphorique il allait s'élancer pour une autre attaque; mais le Dédé calma le jeu et proposa dans un premier temps un retour en ordre vers le six tonnes qui attendait patiemment son quota de cageots pleins à déborder de bolets, de russules et autres lépiotes. Son but inavoué étant non de se délester de son précieux chargement, mais bien de profiter de cette occasion pour contribuer une seconde fois à l'abaissement du niveau du généreux "liquide" de la dive bouteille...qui du même coup s'en trouva presque à l'étiage.

Suite à ce fait de haute tenue dont on parlera longtemps dans les chaumières, le Yves et le Dédé, dûment encouragés, repartirent de plus belle vers d'autres exploits héroïques. Par groupe de UN, ils ratissèrent forêts et bois, vaux et vallons, montagnes (adret et ubac, cela va sans dire) et marécages, ils se croisèrent, se perdirent, se retrouvèrent mille fois (sur le métier il faut remettre son ouvrage...), se reperdirent, se re-retrouvèrent pour constater, il fallait se rendre à l'évidence, que  N I B de R A B...Y ' E N AVAIT P L U S !!!

La nouvelle se propagea comme une traînée... de poudre (rien ici ne peu faire penser à une quelconque péripatéticienne égarée : égarée elle l'eût été en vérité au milieu de ces bois !), fourbus, les genoux dans les talons et les talons dans les bottes, la langue sur les genoux et le chapeau sur l'oreille, les deux compères décidèrent d'un commun accord tacite et reconductible, un retour précipité vers le six tonnes qui n'était plus qu'une camionnette inutile avec une bouteille vide qu'ils auraient volontiers jeté à la mer avec un message de détresse, mais ils n'en avaient plus le courage.

 A situation nouvelle, nouvelle stratégie, ils reléguèrent dans le coffre du vélo bottes, canifs et gilets, et c'est tout endimanchés, en redingote des grands jours, qu'ils reprirent la route en tandem, sifflant en levant la tête comme si aucune tuile ne leur était arrivée; ils ne pouvaient craindre qu'une chose, bien sûr : que le ciel ne leur tombe sur la tête! Après tout, il était l'heure du resto, la bataille avait été rude et il était impératif de reconstituer des forces annihilées par tant d'efforts aussi inutiles qu'épuisants.

                       

Musique : j'aime le son du cor le soir au fond des bois. (Avec cor de chasse et cors aux pieds)

André Dandé alias Polernaz